Élisabeth

Avant d’être fan de Jackard, Elisabeth est fan de la médiathèque de Brindas. Voilà pourquoi nous réalisons aujourd’hui cet entretien à la médiathèque, dans ce petit monde qui lui est si familier, et où elle a accepté de nous parler de Jackard.


À la médiathèque

La médiathèque de Brindas est hantée par une personne discrète, assidue, et pour tout dire adorable. Discrète, au point qu’elle demandait à rester totalement anonyme dans cet article (et a finalement accordé une autorisation de sortie à son prénom, et finalement même à sa photo !). Assidue, car sa présence est garantie à tous les événements culturels organisés par la médiathèque. Adorable, car c’est ce que vous diront d’elle tous ceux qui la connaissent. Vous découvrirez également dans cet entretien son immense culture, et vous comprendrez notre bonheur de la compter parmi les inconditionnels de l’aventure Jackard.


Ses liens avec la médiathèque vont bien au-delà de la simple fréquentation, puisqu’Elisabeth en est l’une des fondatrices, dans les années 1970. Elles nous raconte les débuts modestes mais enthousiastes de cette bibliothèque originelle, dans une toute petite pièce de la mairie, avec pour tout matériel une simple armoire et des caisses de bois. Malgré cette configuration des plus spartiates, la médiathèque prit rapidement de l’ampleur et, forte de son succès, se relocalisa dans le bâtiment des anciennes douches (actuelle maison paroissiale), dont elle investit une surface toujours plus grande. C’est donc en partie à Elisabeth que nous devons la médiathèque si accueillante dont les Brindasiens bénéficient aujourd’hui.

C’est un bonheur d’être ici. Je n’imagine pas la vie sans la médiathèque. J’espère pouvoir y venir jusqu’à mon dernier souffle. Pendant le Covid, j’aurais accepté n’importe quelle condition pour pouvoir venir à la médiathèque, même de mettre un scaphandre.

Elisabeth
Elisabeth en scaphandre à la médiathèque, telle qu'imaginée par une IA générative (Intelligence Artificielle).

Elisabeth, interviewée par Denis


Elisabeth aime les livres, la musique.

Côté livres : Elisabeth n’hésite pas à s’aventurer au-delà des sentiers de la littérature classique, pour se plonger dans les lectures jeunesse (« c’est plein de sagesse ! »), au rez-de-chaussée, dans le domaine de l’« extraordinaire » Charline, qui sait sélectionner si soigneusement les ouvrages et les transmettre aux enfants avec « une sorte de grâce inégalable », « une manière de raconter qui transfigure le message »« mieux que les conteurs professionnels ! ».

Côté musique : Mozart, la musique italienne, Vivaldi, Torelli, Scarlatti, Listz (« une personnalité attachante »), Erik Satie (« certaines pièces » uniquement)… Beethoven ? Un peu « trop puissant » à son goût pour être vraiment grâcieux.
Malgré cette culture musicale résolument classique, Elisabeth n’a eu aucun mal à se retrouver dans le style folkpoprock de Jackard, sans être déroutée (tout comme son mari).


Le mot-clé

Le mot-clé d’Elisabeth, c’est : « stupéfiant ». Si elle a été stupéfiée par Jackard, quelles qu’en soient les raisons, sachez que c’est réciproque ! Car elle nous a, à son tour, stupéfiés par la richesse et la profondeur de son propos et de ses analyses.

On peut également ajouter : « réminiscences », car comme vous le verrez, Elisabeth n’hésite pas à piocher dans sa vaste mémoire littéraire et musicale pour établir des parallèles avec Jackard.


Chronologie

C’est Édith qui lui parle de Jackard, après les fêtes de Noël 2020, et Elisabeth est tout de suite conquise par les premiers éléments du projet accessibles sur le web. Elle découvre bientôt le livre-CD, dont elle savoure musiques et illustrations. (Côté pratique : le marque-page Jackard rythmera ses nombreuses lectures.)

Puis c’est le mini-concert à la médiathèque de Brindas, en juin 2022.

Il y avait deux tout petits enfants, ceux de Charline et Manon, et ils n’ont pas bronché. Celui de Manon dansait ! C’était stupéfiant, on ne les a pas entendus. Ça touche tous les publics, du plus petit au plus âgé.

Et puis enfin, les deux spectacles à Inter’valle.


Les spectacles


Deux spectacles très différents.
Le premier : plus intimiste. Une grande scène, mais très intime. Une finesse, une pureté.
Le second : plus mouvementé, une expansion extraordinaire, une ampleur qui dépassait les murs. Grâce au travail d’éclairage (très bonne équipe de techniciens 👍), on avait l’impression que tout vivait, que même les murs étaient vivants ! Une cohésion stupéfiante entre le public et la scène, l’impression que ça faisait un seul corps, comme un feu qui réchauffait la scène.
Le premier est comme une petite musique de chambre qui chuchote, qui vous touche au cœur, alors que le deuxième vous projette à l’extérieur. Alors que pourrait faire le troisième spectacle ? Sûrement quelque chose d’encore différent ! En tout cas, où que ce soit, j’y serai.

Son époux, affecté par un mauvais rhume, a bien failli ne pas pouvoir assister au second concert, mais l’appel de Jackard a finalement été le plus fort.


Que le décor est beau !
C’est un spectacle total, un complet bonheur, on a le son, l’image, l’éclairage, toute la gestuelle, chacun incarne son personnage d’une manière formidable.
C’est d’une telle richesse, on découvre à chaque fois des choses nouvelles. On peut revoir le spectacle plusieurs fois, et le comprendre différemment.
Ce qui est formidable, c’est la souplesse de ce spectacle, qui fonctionne aussi bien en format réduit qu’en formule grandiose. C’est stupéfiant !
Il y a tant à dire !  Même le terme d’opéra : ça va plus loin que ça.


Son moment préféré :

J’ai adoré ce moment, je le vois encore, j’aimerais y être ! Ce grand vaisseau, ces petits personnages, cette lumière, on a l’impression qu’on va monter dans ce navire…

Comme au petit concert de la médiathèque, cette fois encore, le miracle agit sur les enfants :

Pas de cris d’enfants, pourtant nombreux dans cette salle. Pendant plus d’une heure, ils étaient captivés. Une petite derrière moi, pas plus de 2 ans : quelqu’un faisait le clown sur scène, la petite s’est mise à rire, tellement c’était bien figuré.


Le livret


Le livret, c’est d’une poésie ! C’est une merveille, plein de références, de réminiscences : à la fois littéraire et comment dire… comme une espèce de quête qui vient de très très loin, qui remonte à l’enfance, des souvenirs dont on n’a pas forcément conscience. On a beau lire, relire, on trouve toujours des choses nouvelles. Certaines chansons sont dans le concret, alors que d’autres touchent à la spiritualité (non religieuse). Ce qui est formidable, c’est qu’il y a une foule d’interprétations possibles. Ce qui en fait un vrai travail d’artiste ! On peut le lire, le relire sans fin. Chaque mot est celui qu’il faut. C’est d’une beauté pure. Olivier est encore jeune, mais on dirait que c’est une œuvre qu’il a portée toute sa vie. C’est sans doute du vécu, peut-être des moments difficiles surmontés, grâce à la musique, grâce à des rencontres… On ne peut même pas dire qu’on félicite Olivier pour cette œuvre, car ça va plus loin que ça !
Le livret, j’en parle comme d’un “livre”, car je le lis comme un livre ! Il faudrait l’éditer sous la forme d’un livre pour enfants.
Les illustrations sont complètement en harmonie, totalement en résonance avec les poèmes.


Les chansons

Promenade en Forêt

Cela me fait penser à un poème de Dante, dans la Vita Nuova. Le personnage, qui avait perdu son chemin, se retrouve dans une forêt obscure. À un moment de sa vie, il a l’impression que quelque chose s’est fermé et il a besoin d’en sortir. La maison est adaptée pour décrire ce sentiment.


Berceuse

C’est comme dormir d’un sommeil très doux avant de démarrer la grande aventure, c’est tout paisible.


Ici

Peut-être la chanson préférée d’Elisabeth ?

On est dans une autre dimension ! On se croirait au paradis. Puis on revient sur terre, mais on a touché le paradis !


Anselme

Un personnage tonitruant ! Une pièce d’anthologie ! On aimerait l’entendre tous les matins pour se mettre en route. Ça m’a tout de suite fait penser au Pays du Dauphin Vert, d’Elizabeth Goudge (1944). Il y a dans cette histoire le Capitaine O’Hara, capitaine d’un navire merveilleux, Le Dauphin Vert, un grand vaisseau comme on croirait qu’il n’existe pas sur terre, mais dans l’histoire il existe. Quand j’entends les premiers vers d’Anselme le Pirate, je pense à ce Capitaine O’Hara qui a transformé la vie de trois enfants.

Elisabeth était stupéfaite qu’une voix aussi tonitruante puisse émaner d’un être aussi raffiné qu’Olivier. En réalité, c’est Fred qui incarne Anselme et lui prête sa voix !


Les Personnages

J’adore le refrain ! Et la page d’illustration, c’est quelque chose !
Pour moi, la toile de l’araignée est plutôt une toile de peintre : Duffy, Chagall, il y a souvent des instruments de musique dans leurs œuvres et des tas de petits personnages, on a l’impression que leur personnages sont libres, très ouverts.


Plume Vole

De la poésie pure. Une espèce de petit instant béni, un charme, ça s’envole…


Le Voyage

À un moment, pendant Le Voyage, on pense à Titanic, quand le navire est déjà en haute mer et que tout est très paisible. Un tout petit passage, le compositeur n’en a peut-être pas eu conscience.


Le Retour

La maison est transformée : il y a du bonheur, un rayonnement extraordinaire. « Le Retour », c’est en fait un nouveau départ pour tout le monde.


Délivrance

Quand tout le monde chante ensemble, c’est un chœur extraordinaire, une libération, ça gagne tout le monde, le public… On sort de là, c’est une véritable apothéose !


Les personnages

Jackard

Le personnage sans qui rien ne serait arrivé ! Plein d’humilité, de simplicité, de pureté. Extrêmement bien rendu par la voix de la chanteuse, c’est quelque chose qui vous touche au cœur. Sans en avoir conscience, ce personnage a une mission auprès d’inconnus, et dès qu’il les rencontre, il les touche, quelque chose change dans leur esprit, de façon spontanée, sans présentation, sans explications, d’un coup, les gens se sentent neufs. Quelque chose se produit, Jackard est là pour enlever ce qui les bloquait dans leur évolution.
Il y a une certaine forme d’autorité chez l’Araignée, alors que Jackard, c’est quelqu’un qui ouvre. Mais tous les personnages on leur importance, il ne faut pas chercher à les hiérarchiser. On va loin avec ça !


L’Araignée du Plafond

Elle tisse quelque chose, elle est très perfectionniste, très créative, créatrice. Elle travaille dans le temps, tout doucement, elle tisse sa toile comme le peintre va faire son tableau. Ça donne vie aux personnages. Comme ils sont dans un espace restreint, ils peuvent s’en échapper : c’est parce qu’ils sont, à un moment donné, enfermés, qu’ils peuvent s’échapper, prendre leur essor. C’est aussi ce qui crée leur cohésion, qui leur permet ensuite de se déployer.


Flûte Enchantée

Jackard, c’est une sorte de quête qui me fait penser à la Flûte Enchantée de Mozart, avec ses flûtistes, ses enfants, ses grands prêtres, Papageno… Ce n’est pas la même époque, mais c’est un peu la même idée. La Flûte Enchantée est tout à fait à part dans l’œuvre de Mozart, une création totalement personnelle.
Celui qui libère, c’est Sarastro, et à l’époque contemporaine, c’est Jackard : il a une science innée de la délivrance, alors que Sarastro a une formation, c’est un prêtre, c’était une autre époque.
La Reine de la Nuit et l’Araignée du Plafond, on ne les compare pas, parce que la Reine de la Nuit veut nuire, alors que l’Araignée souhaite contrôler, mais elle accepte que les personnages se libèrent, elle est très intelligente, elle comprend. Alors que la Reine de la Nuit, il faut Sarastro pour s’en débarrasser ! L’Araignée, elle, fait partie de l’histoire jusqu’au bout.


Pour conclure

Jackard, c’est le plus beau souvenir qui me reste de la période Covid. Pourtant j’ai un bon mari, de beaux enfants, un jardin avec des fleurs, mais ça alors c’est quelque chose ! Il fallait un grand courage pour lancer ça pendant cette période, où tout le monde dépérissait et se recroquevillait, avec toutes les restrictions. Les artistes sont des gens de contact, qui ont beaucoup souffert de cette situation d’enfermement. Cet album reflète une volonté d’aller vers l’avenir. Jackard, c’est une liberté qui s’est préparée pour tout le monde. On ne peut pas dire « Vive le Covid ! », bien sûr, mais à quelque chose malheur est bon ! C’est bien, quand quelque chose de très dur a des effets bénéfiques, c’est un peu l’histoire de la vie. Pour créer du bonheur à partir de quelque chose de difficile, il ne suffit pas d’être un grand artiste, un grand poète ; il faut aussi être une belle personne, avoir une grande richesse intérieure – partagée avec tous les autres membres de la troupe.
Je souhaite un bel avenir à Jackard, car c’est vraiment une richesse à apporter aux personnes qui découvriront cette œuvre. C’est un opéra initiatique et, c’est un grand cadeau à faire aux jeunes, car la vie n’est pas simple, et ça leur donne de l’espoir, de l’espérance.